Connaître le droit et la jurisprudence quant à l’interdiction ou l’obligation du port d’une tenue vestimentaire
Le statut de la fonction publique territoriale évoque davantage les attitudes des agents territoriaux que les tenues vestimentaires. Il fait néanmoins référence à une obligation de décence et de discrétion des agents.
La jurisprudence est venue compléter le statut par d’autres obligations telles que le principe de neutralité à l’article 6 de la loi statutaire n° 83-634 du 13 juillet 1983 et le devoir de réserve.
Il n’existe pas de disposition statutaire expresse portant sur la façon de se vêtir des agents territoriaux, néanmoins des principes ont été édictés.
Le Code du travail précise dans son article L. 1121-1 que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
C’est dans ce cadre que l’employeur doit trouver ses marges pour intervenir et imposer ou interdire une tenue vestimentaire.
Le port d’une tenue de travail peut être imposé pour deux raisons :
- l’activité exercée nécessite le port d’équipement de protection individuelle (EPI), pour protéger la santé et assurer la sécurité, notamment lorsque les agents accomplissent des tâches dangereuses ou manipulent des substances toxiques ;
- l’activité exercée est renforcée, aux yeux de l’employeur qui est en droit de l’apprécier, par le port d’un vêtement particulier (ex. : agent d’accueil).
Si le port d’une tenue de travail spécifique ne s’impose pas, votre collectivité peut rappeler au respect du port d’une tenue correcte.
Dans ce cas, il vous revient de trouver un juste équilibre entre le respect de l’image de la collectivité et les libertés individuelles de chaque agent, en fonction notamment de la nature et des conditions d’exercice de l’activité confiée à l’agent.
La jurisprudence a donné des éléments d’appréciation permettant d’identifier l’attitude à avoir face à de tels faits.
Si la Cour de cassation a posé le principe de la liberté accordée au salarié de se vêtir à sa guise, cela ne constitue pas pour autant une liberté fondamentale comme la liberté d’expression.
L’employeur est compétent pour apprécier la correction des tenues portées par ses agents et peut interdire le port de certains vêtements. Dans ce cas, cette appréciation doit être justifiée par l’activité de l’agent et proportionnée au but recherché.
C’est ainsi que l’employeur peut :
- interdire de porter un survêtement en cas de relations avec la clientèle de l’entreprise (cf. décision de la Cour de cassation du 6 novembre 2001 ) ;
- estimer incompatible avec des fonctions de techniciens le port d’un bermuda sous une blouse de travail (cf. décision de la Cour de cassation du 28 mai 2003 ).
Néanmoins, le juge reste souverain pour apprécier le bien-fondé des motifs invoqués par l’employeur. Ainsi :
- de simples négligences vestimentaires ne sauraient justifier un licenciement ;
- des vêtements moulants sont acceptables si le comportement ne caractérise pas un abus préjudiciable à l’entreprise ;
- l’exigence d’une tenue soignée n’est pas incompatible avec le port de jeans ou de baskets.
Les juridictions administratives ont pour leur part rappelé l’application du principe de neutralité à la tenue vestimentaire des agents publics dont le devoir de réserve interdit toute manifestation de leurs croyances religieuses.
Le Conseil d’État a rendu un avis au sujet d’une surveillante intérimaire dont les fonctions avaient été interrompues pour port illégal du voile (cf. avis du Conseil d’État du 3 mai 2000 ). Le tribunal administratif de Paris a repris la position du Conseil d’État :
« (…) si les agents publics bénéficient, comme tous les citoyens, de la liberté de conscience et de religion édictée par les textes constitutionnels, conventionnels et législatifs, qui prohibent toute discrimination fondée sur leurs croyances religieuses ou leur athéisme, notamment pour l’accès aux fonctions, le déroulement de carrière ou encore le régime disciplinaire, le principe de laïcité de l’État et de ses démembrements et celui de la neutralité des services publics font obstacle à ce que ces agents disposent, dans l’exercice de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances religieuses, notamment par une extériorisation vestimentaire ; que ce principe, qui vise à protéger les usagers du service de tout risque d’influence ou d’atteinte à leur propre liberté de conscience, concerne tous les services publics et pas seulement celui de l’enseignement ; que cette obligation trouve à s’appliquer avec une rigueur particulière dans les services publics dont les usagers sont dans un état de fragilité ou de dépendance (…) » (cf. décision du tribunal administratif de Paris du 17 octobre 2002 ).
Si ce principe concerne l’ensemble des services publics, son application est cependant modulable selon les services concernés, et particulièrement stricte dans les services publics dont les usagers sont en état de fragilité ou de dépendance.
Cette analyse n’est pas infirmée par le droit communautaire et notamment par la Cour européenne des droits de l’homme qui considère que la liberté de manifestation religieuse doit être articulée avec les nécessités propres au service public, et notamment le respect de toutes les croyances.
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